En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour vous proposer des services adaptés.

cdv logo  

Le Cercle des Voisins

Informe de l'atteinte à la dignité et aux droits humains que représente l’existence et le fonctionnement du «Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu», défend la libre circulation des personnes et dénonce le système mis en place pour l’expulsion des personnes privées de papiers.

logo EGM Toulouse

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Libertés, Libertés chéries - 8/12/2019

Par une décision du 6 décembre 2019, Mme Saisda C., le Conseil constitutionnel écarte la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contestant l'absence d'assistance d'un avocat durant les auditions liées au placement d'un étranger en zone d'attente. 
 
Rappelons qu'une zone d'attente est une zone internationale, souvent située dans les aéroports, les ports ou les gares, dans laquelle sont placés les étrangers auxquels on refuse, au moins provisoirement, l'entrée dans l'espace Schengen. Certains sont en transit interrompu, par exemple lorsqu'ils ont été refoulés d'un autre pays et renvoyés en France. D'autres sont demandeurs d'asile et seront retenus le temps de gérer la recevabilité de leur demande. D'autres enfin, et c'est le cas de Mme Saisda C. se voient opposer un refus d'entrer sur le territoire. 
 
La requérante, venant du Nicaragua et dispensée de visa, entendait pénétrer en France comme touriste, pour ensuite se rendre en Espagne où elle espérait trouver un emploi. Ayant reconnu ces faits devant la police de l'air et des frontières (PAF), elle s'est donc vu opposer un refus d'entrée sur l'espace Schengen, puisqu'elle ne disposait d'aucun contrat de travail. Elle a ensuite été placée en zone d'attente, en prévision de son retour au Nicaragua.
 
Son avocat, soutenu par certaines associations professionnelles, met en cause la constitutionnalité de deux articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers qui ont conduit Saisda C. à reconnaître qu'elle n'avait pas vraiment l'intention de visiter la France en touriste lors d'auditions qui se déroulées devant les agents de la PAF, sans qu'elle soit assistée d'un avocat. Ces deux articles portent sur deux moments bien distincts de la procédure. L'article L 213-2 prévoit ainsi que le refus d'entrée est notifié à l'intéressé, après une première audition devant la PAF, et que cette notification mentionne le "droit d'avertir le conseil de son choix". Quant à l'article L 221-4 de ce même code, il concerne la situation de l'étranger déjà retenu en zone d'attente, et il précise qu'il a le droit de "communiquer avec un conseil". Dans les deux cas, le rapport avec l'avocat se limite à une information, pas à une assistance lors des auditions. La requérante estime donc que ces dispositions ne sont pas conformes aux articles 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui garantissent les droits de la défense.


Une mesure de police administrative

 

Le Conseil constitutionnel ne voit aucune atteinte aux droits de la défense dans ces deux dispositions. Toute son analyse repose sur le fait que la décision de placer une personne en zone d'attente est une mesure de police et non pas une décision relevant d'une procédure pénale.

S'il est vrai que la jurisprudence constitutionnelle récente a tendu à élargir considérablement l'exercice des droits de la défense, et notamment le droit à l'assistance d'un avocat, cette exigence ne dépasse guère le champ de la procédure pénale. Elle trouve son origine dans la décision QPC du 30 juillet 2010, Daniel W. et autres, l'une des toutes premières QPC, qui a imposé la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue et on la retrouve dans la récente décision QPC du 8 février 2019 Berket S. qui sanctionne l'absence de garanties des droits de la défense en matière d'audition libre des mineurs. Celle-ci a lieu en effet lorsqu'il existe des indices selon lesquels la personne a commis ou tenté de commettre une infraction. Même la sanction de l'absence des droits de la défense en matière de retenue douanière, avec la décision Samir M. du 22 septembre 2010, concerne une procédure donnant compétence aux agents des douanes pour constater une infraction.

Rien de tel en l'espèce, et le Conseil constitutionnel précise que ces auditions devant la PAF "n'ont pour objet que de permettre de vérifier que l'étranger satisfait aux conditions d'entrée en France et d'organiser à défaut son départ. Elles ne relèvent donc pas d'une procédure de recherche d'auteurs d'infractions. (...) La décision de refus d'entrée, celle de maintien en zone d'attente et celles relatives à l'organisation de son départ ne constituent pas des sanctions ayant le caractère de punition mais des mesures de police administrative". Sur ce point, le Conseil ne se distingue pas de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui estime que l'éloignement des étrangers pour des motifs d'ordre public, et notamment l'expulsion, ne relève pas de la "matière pénale" et ne donne donc pas lieu aux garanties posées par le volet pénal de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH, 5 octobre 2000, Maaouia c. France).

La liberté de circulation



L'élément déterminant pour le Conseil est donc l'absence de caractère incriminant de la décision de refus d'entrée sur le territoire. L'atteinte à la liberté d'aller et venir n'est pas considérée comme un élément pertinent, dès lors que cette liberté s'exerce dans le cadre des lois qui l'organisent, y compris évidemment le droit de l'Union européenne, en l'espèce le règlement du 9 mars 2016. Et précisément, dès lors qu'elle avait avoué vouloir trouver un emploi en Espagne, l'intéressée n'était plus en situation légale. Certes, depuis une décision du 25 février 1992, le Conseil reconnaît que le maintien en zone d'attente affecte la liberté individuelle. Mais c'est uniquement pour reconnaître un droit au recours, et la personne qui se voit refuser l'entrée sur le territoire peut évidemment contester cette décision devant le juge administratif, y compris par la voie du référé.

Là encore, la jurisprudence du Conseil constitutionnel rejoint celle de la CEDH qui, dans deux décisions récentes du 21 novembre 2019, a considéré que le maintien d'un étranger en zone d'attente, ou de transit selon le vocabulaire employé, entraine une restriction à la liberté de circulation qui ne saurait s'analyser comme une privation de cette liberté, à la condition que la rétention ne dépasse pas le temps nécessaire à l'organisation du départ.

De toute évidence, le Conseil constitutionnel entend limiter l'élargissement des droits de la défense au strict domaine pénal. C'est évidemment un frein mis à une jurisprudence qui semblait imposer la présence de l'avocat dans des procédures de plus en plus nombreuses et diversifiées. Il est probable que cette décision sera critiquée, notamment parce qu'elle fait peu de la réalité de cette procédure. En effet, les auditions devant les agents de la PAF ressemblent beaucoup à une audition pénale, le but étant de faire avouer à l'étranger qu'il ne vient pas faire du tourisme. Une fois l'aveu obtenu, celui-ci se retrouve en situation irrégulière et peut donc faire l'objet d'une mesure de refoulement.

Cette décision s'inscrit ainsi dans un mouvement général de rétractation des droits des étrangers, à un moment où les services de police éprouvent de grandes difficultés à gérer une immigration de masse. Le Conseil constitutionnel semble ainsi vouloir faire peser sur le législateur le moins de contraintes possibles dans le domaine particulier des mesures d'éloignement, évolution que l'on constate dans l'ensemble du droit des étrangers. 


Sur la circulation des étrangers : Chapitre 5 Section 2 du manuel de Libertés publiques sur internet
 
 

Vite dit

06/06/2022 - Archarnement administratif, ca suffit !

« Comment peut-on croire qu'on sera plus heureux en faisant du mal à d'autres ? » (Hervé le Tellier – L'anomalie)

Ce mardi 7 juin 2022, Gideon est convoqué au tribunal judiciaire de Toulouse. Combien de juges a-t-il vu depuis le jour où il a été interpellé au commissariat de Pamiers ?

Au moins 7.

Le 3 mai, ce jeune gabonais de 18 ans, a été placé au centre de rétention de Cornebarrieu pour un vol prévu le 4 mai vers Libreville. Ce placement rendu possible par la loi (Article L 740-1 CESEDA) a été concrétisé par la préfecture de l'Ariège.

Il a refusé d'embarquer car toute sa famille vit en France de manière régulière. Il est scolarisé au lycée de Lavelanet et n'a plus du tout d'attache au Gabon.

Le 5 mai, le juge de la liberté et de la détention (JLD) décide de la prolongation de sa rétention (Article L742-3 CESEDA) permettant ainsi à l'administration d'organiser un nouvel 'éloignement'.

C'est le 27 mai qu'aura lieu cet 'éloignement' mais cette fois avec des techniques coercitives musclées (GTPI). Monté de force dans l'avion, Gidéon sera ligoté et molesté jusqu'au moment où le commandant de bord exigera son débarquement.

Mais s'opposer à son expulsion est un délit. Gidéon passera le soir même devant le procureur en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et sera puni d'une peine de prison de 3 mois avec sursis et 5 ans de mise à l'épreuve.

A 100 km de Toulouse, la préfète de l'Ariège reste inflexible : Gidéon doit rester enfermé pour être expulsé.

Le 2 juin, la juge JLD rendra un avis légèrement plus conciliant en lui permettant de rejoindre famille mais en l'obligeant à signer tous les jours au commissariat.

La préfecture de l'Ariège n'a pas apprécié cette décision. Elle a fait appel et l'audience aura lieu ce mardi 7 juin à 9h45 au palais de justice de Toulouse.

Si vous venez à cette audience, vous ne verrez pas le ou la signataire de cet appel. Il ou elle se fera représenter par un ou une porte-parole bien obéissant.e.

On sait qu'un nouveau vol a été demandé par la préfecture et si Gidéon le refuse, il risque cette fois 3 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire de 10 ans.

Depuis ses 18 ans, Gidéon vit sous la menace d'une arrestation, d'une expulsion !

Ce 6 juin, c'est son anniversaire. Il a 19 ans.

 

Visites au CRA

Archive

Powered by mod LCA