En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour vous proposer des services adaptés.

cdv logo  

Le Cercle des Voisins

Informe de l'atteinte à la dignité et aux droits humains que représente l’existence et le fonctionnement du «Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu», défend la libre circulation des personnes et dénonce le système mis en place pour l’expulsion des personnes privées de papiers.

logo EGM Toulouse

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le Monde - Hervé Nicolle, Nassim Majidi - 26/08/2021

Le statut « prima facie », qui permet aux réfugiés de bénéficier d’une protection internationale avant un examen individuel, doit être accordé de manière collective sans attente pour tous les Afghans menacés de mort, expliquent les chercheurs Nassim Majidi et Hervé Nicolle dans une tribune au « Monde ».

Tribune. Avec le départ des forces américaines va s’amplifier la traque, porte à porte, pour tous ceux qui figurent sur les listes des talibans. Ces listes se créent depuis des semaines. Elles incluent toutes celles et ceux qu’animait le désir du dialogue, après quarante ans de guerre. Ils y ont cru et ils y croiront toujours.

Et pour l’avoir exprimé haut et fort, en tant qu’artistes par leur musique, en tant que professeurs et chercheurs par leurs travaux, en tant que journalistes, étudiants, représentantes de la société civile, citoyens se rendant aux urnes, ces femmes et ces hommes sont aujourd’hui des cibles listées. Déjà, de nouvelles listes élargissent le spectre à l’ethnie, au genre, à l’identité confessionnelle.

Symétriquement, des listes ont été créées à l’aéroport de Kaboul. Plus de 10 000 Afghans entourent l’aéroport, pour certains munis d’une lettre de recommandation, d’un laissez-passer, prêts à tout pour intégrer les listes et les sous-listes des ambassades, des agences des Nations unies, des ONG, des médias, des compagnies privées, qui leur permettront peut-être, encore pendant quelques jours, de passer les deux cordons de sécurité talibans.

En images Des milliers de familles massées devant l’aéroport de Kaboul, dans l’espoir de quitter le pays

Chaque pays a sa liste et sa contre-liste, et les transactions s’enchaînent. Chacun a « ses » afghans. Mais que deviennent « les » Afghans, qui ont des droits en tant que groupe objectivement menacé par le nouveau régime en place ? Que devient le droit au cœur du chaos ?

Une possibilité de vie autre

Présents depuis quatorze ans en Afghanistan en tant que chercheurs, nous pouvons témoigner du fait qu’une très large majorité d’Afghanes et Afghans – en particulier parmi les nouvelles générations – croient en l’égalité entre hommes et femmes, en la liberté d’expression, aux acquis de la démocratisation, au dialogue entre ethnies rivales, et ne veulent pas des talibans au pouvoir.

Il faut s’éloigner des discours de charité comme des discours policiers pour faire prévaloir le droit et respecter les engagements pris

Les vingt dernières années ont laissé entrevoir une possibilité de vie autre à une nouvelle génération de jeunes Afghanes et Afghans : 70 % de la population a aujourd’hui moins de 30 ans, pour un âge médian de 18 ans. Filles et fils d’un peuple qui s’est construit dans la mobilité et le déplacement forcé, en raison de guerres importées et de conflits nationaux, régionaux, tous les Afghans sont aujourd’hui virtuellement condamnés à l’immobilité et à la réclusion.

L’obtention de passeport ou de visa, très limitée par le gouvernement Ghani ou les ambassades depuis des mois et des années, est désormais impossible en Afghanistan. Il n’y a plus aucune voie légale pour « s’enfuir d’un pays qui brûle », pour reprendre les mots d’une de nos collègues afghanes.

Lire aussi « La France doit offrir l’asile aux défenseurs du patrimoine culturel afghan »

Que peut-on faire ? C’est la question posée par le président Macron dans son allocution du 16 août. Pour le président des « crises », le narratif est toujours le même : il s’agit de manier le trait d’union et la parenthèse ironique. Le trait d’union, dans un premier temps, en rassurant les Afghans sur notre engagement, au nom des valeurs de la France, de l’amitié historique qui unit les deux pays. Ce premier trope vise à créer un sentiment d’empathie. C’est un discours de charité.

Discours policier

Puis vient la parenthèse, dans un second temps, et dans le même discours, suivant une rhétorique électoraliste désormais passée dans le langage courant : « Nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants qui mettraient en danger ceux qui les empruntent, et nourriraient les trafics de toute nature. »

Il n’y a plus aucune voie légale pour « s’enfuir d’un pays qui brûle », pour reprendre les mots d’une de nos collègues afghanes

L’accolement de deux thèmes distincts – réfugiés et sécurité – transforme subtilement la victime actuelle en un danger en puissance. En substance, cela veut dire que l’externalisation des frontières et des responsabilités européennes se fera par une sous-traitance de destins individuels à la Turquie, à l’Iran et au Pakistan, en somme aux pays de la région. C’est un discours policier.

Que doit-on faire ? C’est la seule question, et les réponses sont données dans le droit international et les engagements politiques qui ont été pris depuis la dernière crise de politique migratoire en Europe, dès 2016. Il faut s’éloigner des discours de charité comme des discours policiers pour faire prévaloir le droit et respecter les engagements pris.

Lire aussi « La décision de fermer le pont aérien rend impossible l’évacuation des étudiants et des universitaires afghans en danger »

Dès 2016, au lendemain de la crise des politiques migratoires en Europe, les gouvernements du monde entier ont négocié un pacte mondial sur les réfugiés. Ce pacte reconnaît « le besoin urgent de mieux répartir les charges et les responsabilités », alors que 85 % des réfugiés sont aujourd’hui installés dans des pays qui n’ont pas les moyens de permettre un accueil digne. Les Etats-Unis et la Hongrie s’y sont opposés, mais tous les pays européens l’ont signé en 2018, pour créer un cadre d’action concerté pour les réfugiés et une plus grande inclusion dans les communautés.

Prolonger le corridor humanitaire

Si le pacte trouve en ce moment même une illustration remarquable dans les engagements des mairies de Lille, Marseille, Grenoble, Bordeaux, Tours ou Paris, il est temps que l’échelon national abandonne les calculs de prédation électorale et adopte les mêmes réflexes de droit.

Lire aussi Afghanistan : « la France, patrie des droits de l’homme, doit être à la hauteur »

D’abord, le statut prima facie ([« au premier coup d’œil », « de prime abord »] qui permet aux réfugiés de bénéficier d’une protection internationale avant un examen individuel) doit être accordé de manière collective pour déterminer sans attente le statut de réfugié pour tous les Afghans, sur la base de la situation de violence généralisée, d’insécurité et de menace de mort actuelle.

Un autre enjeu est de prolonger le corridor humanitaire après la date butoir du 31 août, et de maintenir un accès aux populations les plus démunies en Afghanistan, pour continuer à soutenir tous les Afghans dans le respect du droit. Cela évitera la constitution de listes françaises, américaines, allemandes, publiques ou privées, et permettra de restaurer un semblant de droit, de dignité et d’espoir dans le chaos d’aujourd’hui.

Tout est réuni pour que le second passage des talibans soit plus qu’un entre-deux. Il est encore temps de faire prévaloir le droit dans le faible espace d’intervention qui reste aux démocraties.

Hervé Nicolle et Nassim Majidi sont cofondateurs et codirecteurs du centre de recherche Samuel-Hall sur les migrations et le développement, basé à Kaboul, Nairobi et Tunis.

 

Vite dit

06/06/2022 - Archarnement administratif, ca suffit !

« Comment peut-on croire qu'on sera plus heureux en faisant du mal à d'autres ? » (Hervé le Tellier – L'anomalie)

Ce mardi 7 juin 2022, Gideon est convoqué au tribunal judiciaire de Toulouse. Combien de juges a-t-il vu depuis le jour où il a été interpellé au commissariat de Pamiers ?

Au moins 7.

Le 3 mai, ce jeune gabonais de 18 ans, a été placé au centre de rétention de Cornebarrieu pour un vol prévu le 4 mai vers Libreville. Ce placement rendu possible par la loi (Article L 740-1 CESEDA) a été concrétisé par la préfecture de l'Ariège.

Il a refusé d'embarquer car toute sa famille vit en France de manière régulière. Il est scolarisé au lycée de Lavelanet et n'a plus du tout d'attache au Gabon.

Le 5 mai, le juge de la liberté et de la détention (JLD) décide de la prolongation de sa rétention (Article L742-3 CESEDA) permettant ainsi à l'administration d'organiser un nouvel 'éloignement'.

C'est le 27 mai qu'aura lieu cet 'éloignement' mais cette fois avec des techniques coercitives musclées (GTPI). Monté de force dans l'avion, Gidéon sera ligoté et molesté jusqu'au moment où le commandant de bord exigera son débarquement.

Mais s'opposer à son expulsion est un délit. Gidéon passera le soir même devant le procureur en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et sera puni d'une peine de prison de 3 mois avec sursis et 5 ans de mise à l'épreuve.

A 100 km de Toulouse, la préfète de l'Ariège reste inflexible : Gidéon doit rester enfermé pour être expulsé.

Le 2 juin, la juge JLD rendra un avis légèrement plus conciliant en lui permettant de rejoindre famille mais en l'obligeant à signer tous les jours au commissariat.

La préfecture de l'Ariège n'a pas apprécié cette décision. Elle a fait appel et l'audience aura lieu ce mardi 7 juin à 9h45 au palais de justice de Toulouse.

Si vous venez à cette audience, vous ne verrez pas le ou la signataire de cet appel. Il ou elle se fera représenter par un ou une porte-parole bien obéissant.e.

On sait qu'un nouveau vol a été demandé par la préfecture et si Gidéon le refuse, il risque cette fois 3 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire de 10 ans.

Depuis ses 18 ans, Gidéon vit sous la menace d'une arrestation, d'une expulsion !

Ce 6 juin, c'est son anniversaire. Il a 19 ans.

 

Visites au CRA

Archive

Powered by mod LCA