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Le Cercle des Voisins

Informe de l'atteinte à la dignité et aux droits humains que représente l’existence et le fonctionnement du «Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu», défend la libre circulation des personnes et dénonce le système mis en place pour l’expulsion des personnes privées de papiers.

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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Philippe Bernard - 29/05/2021

L’immigration constitue l’arme ultime des pays du Sud. L’UE doit imaginer des mécanismes de régulation pour ne pas être à la merci d’Etats sans grand scrupule, souligne Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde ».

Chronique. Derrière chaque immigré, il y a un émigré dont les origines bousculent l’ordre national du pays d’accueil. En s’exilant, aucun être humain ne fait une croix sur sa vie passée, a analysé subtilement le sociologue Abdelmalek Sayad dans La Double Absence (Seuil, 1999). A l’échelle collective, les migrations ne concernent pas seulement les pays de destination ; elles sont avant tout une réalité internationale mettant en jeu des rapports de force géopolitiques.

Le Maroc, en ouvrant soudainement sa frontière avec l’enclave espagnole de Ceuta, lundi 17 mai, laissant filer vers l’Union européenne (UE) quelque 8 000 de ses ressortissants, souvent très jeunes, pour faire pression sur Madrid à propos du Sahara occidental, a mis en lumière cette réalité trop souvent occultée : l’immigration constitue l’arme ultime des pays du Sud, un atout entre les mains des faibles pour faire pression sur les puissants.

Non seulement les hommes peuvent être chassés de chez eux par les guerres, les persécutions et la pauvreté, attirés par les lumières des pays nantis, mais ils constituent autant de pièces sur l’immense échiquier des relations diplomatiques.

Lire aussi L’entrée massive de migrants à Ceuta aggrave la crise diplomatique entre l’Espagne et le Maroc

Cette réalité n’est pas nouvelle. En 1980, Fidel Castro avait mis dans l’embarras le président américain Jimmy Carter en ouvrant les vannes de l’émigration au port de Mariel, provoquant un afflux incontrôlé de migrants, parmi lesquels de nombreux délinquants libérés de prison pour l’occasion par les autorités. Et, depuis plusieurs décennies, la pression migratoire des pays latino-américains constitue un enjeu central des relations entre le Mexique et les Etats-Unis et de la vie politique américaine.

Rôle de gendarme

En Europe, le « chantage migratoire » a pris une dimension courante avec la construction de l’espace Schengen, où la libre circulation a pour corollaire le contrôle strict des frontières extérieures. Depuis les années 1990, la politique européenne d’« externalisation » a consisté à reporter ce contrôle sur les pays voisins, singulièrement ceux du Maghreb et, plus récemment, la Turquie.

L’UE sous-traite aux Etats qui la bordent la charge d’empêcher l’entrée de migrants illégaux. En contrepartie, elle finance des installations de surveillance, des centres de rétention et de garde-côtes, elle octroie des facilités en matière de visas pour les ressortissants des pays en question, exige la signature d’accords les obligeant à réadmettre les illégaux et le durcissement de leur législation sur l’immigration.

Lire aussi « Dégagez, rentrez en Turquie ! » : à Lesbos, l’arrivée des migrants déclenche la fureur des habitants

Sous la pression de l’UE, plusieurs Etats africains ont été amenés à considérer comme un délit le fait de quitter leur sol. Le « droit de quitter tout pays y compris le sien », considéré comme fondamental du temps où l’URSS le bafouait, n’a pas résisté au rapport de force inégal entre l’Afrique et l’UE. Il est pourtant inscrit à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Alors que l’UE incite de fait à le relativiser, ce droit est aussi consacré par la Convention européenne des droits de l’homme.

Ainsi, en déléguant le contrôle de ses frontières, l’Europe encourage-t-elle l’exercice de ce « chantage migratoire » qui la vise. Des hommes forts au pouvoir aux abords de l’UE ont su et savent user et abuser du pouvoir que leur donne ce rôle de gendarme. Mouammar Kadhafi a longtemps excellé à ce jeu tragique, bloquant l’embarquement de migrants des côtes libyennes ou, au contraire, encourageant des départs massifs, selon l’état de ses relations avec l’UE, en particulier l’Italie. En 2010, un an avant sa chute, le dictateur libyen avait réclamé « au moins 5 milliards d’euros par an » à l’UE pour « éviter une Europe noire ».

En mars 2020, le président turc, Recep Tayyip ­Erdogan, a manipulé les migrants en prétendant que la frontière de l’UE était ouverte, afin d’obtenir la renégociation de l’accord de 2016 aux termes duquel Ankara s’engageait à barrer la route de l’Europe aux réfugiés syriens, moyennant 6 milliards d’euros.

Lire aussi l’éditorial du « Monde » du 4 mars 2020 : Migrants : l’UE face au cynisme de la Turquie

En refusant de délivrer les « laissez-passer consulaires » indispensables au retour des migrants illégaux reconduits à la frontière, les pays d’origine disposent d’un autre levier. Ce refus de réadmettre les sans-papiers est l’une des principales raisons pour lesquelles seules 30 % des décisions de reconduite prises dans l’UE sont exécutées. La coopération en matière de renseignement antiterroriste est une autre monnaie d’échange.

Victimes des persécutions et du cynisme

Le grand marchandage des migrations ne fait que commencer. Les pays du pourtour de la Méditerranée en connaissent les effets potentiellement délétères sur les sociétés européennes (raidissement des opinions, montée de l’extrême droite) et sur l’UE elle-même, amenée à malmener ses propres principes.

Les tensions économiques et sociales exacerbées par le Covid-19 alliées aux faibles contrepoids démocratiques expliquent pourquoi un pays comme le Maroc, à l’instar d’Etats subsahariens, peut inciter sa jeunesse à risquer sa vie en Méditerranée.

Si l’Europe veut éviter de se trouver à la merci des politiques de certains Etats sans grand scrupule, elle doit imaginer des mécanismes permanents et solidaires de régulation des migrations qui lui permettent de rester fidèle à sa tradition d’ouverture et d’asile. Inquiétante à cet égard apparaît la grande panne du « pacte pour l’immigration » présenté comme un compromis acceptable par les Vingt-Sept. A la fois forteresse et incapable de gérer de façon cohérente les entrées comme les sorties, l’UE est enferrée dans une impasse migratoire.

Si les migrants représentent une richesse sur bien des plans, ce sont aussi des enjeux diplomatiques. Une politique humaine à leur égard ne peut ignorer qu’ils peuvent être victimes non seulement de persécutions et de la pauvreté, mais aussi du cynisme et du mépris des dirigeants de leur pays ou de ceux qu’ils traversent.

 

 

Vite dit

06/06/2022 - Archarnement administratif, ca suffit !

« Comment peut-on croire qu'on sera plus heureux en faisant du mal à d'autres ? » (Hervé le Tellier – L'anomalie)

Ce mardi 7 juin 2022, Gideon est convoqué au tribunal judiciaire de Toulouse. Combien de juges a-t-il vu depuis le jour où il a été interpellé au commissariat de Pamiers ?

Au moins 7.

Le 3 mai, ce jeune gabonais de 18 ans, a été placé au centre de rétention de Cornebarrieu pour un vol prévu le 4 mai vers Libreville. Ce placement rendu possible par la loi (Article L 740-1 CESEDA) a été concrétisé par la préfecture de l'Ariège.

Il a refusé d'embarquer car toute sa famille vit en France de manière régulière. Il est scolarisé au lycée de Lavelanet et n'a plus du tout d'attache au Gabon.

Le 5 mai, le juge de la liberté et de la détention (JLD) décide de la prolongation de sa rétention (Article L742-3 CESEDA) permettant ainsi à l'administration d'organiser un nouvel 'éloignement'.

C'est le 27 mai qu'aura lieu cet 'éloignement' mais cette fois avec des techniques coercitives musclées (GTPI). Monté de force dans l'avion, Gidéon sera ligoté et molesté jusqu'au moment où le commandant de bord exigera son débarquement.

Mais s'opposer à son expulsion est un délit. Gidéon passera le soir même devant le procureur en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et sera puni d'une peine de prison de 3 mois avec sursis et 5 ans de mise à l'épreuve.

A 100 km de Toulouse, la préfète de l'Ariège reste inflexible : Gidéon doit rester enfermé pour être expulsé.

Le 2 juin, la juge JLD rendra un avis légèrement plus conciliant en lui permettant de rejoindre famille mais en l'obligeant à signer tous les jours au commissariat.

La préfecture de l'Ariège n'a pas apprécié cette décision. Elle a fait appel et l'audience aura lieu ce mardi 7 juin à 9h45 au palais de justice de Toulouse.

Si vous venez à cette audience, vous ne verrez pas le ou la signataire de cet appel. Il ou elle se fera représenter par un ou une porte-parole bien obéissant.e.

On sait qu'un nouveau vol a été demandé par la préfecture et si Gidéon le refuse, il risque cette fois 3 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire de 10 ans.

Depuis ses 18 ans, Gidéon vit sous la menace d'une arrestation, d'une expulsion !

Ce 6 juin, c'est son anniversaire. Il a 19 ans.

 

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