Certains affirment que ce contrôle qui a cueilli la sportive pile au bon endroit au bon moment n'est pas fortuit, évoquent une dénonciation... De fait, c'est en sortant du cabinet de son kiné lillois, jeudi à 10 h, que Rigoberte M'Bah a été interpellée faute de pouvoir présenter des papiers.
Elle doit être présentée ce matin au juge des libertés. Le comité de soutien qui suit la sportive depuis 2008 espère obtenir un délai. « Notre objectif est d'abord de la faire sortir du centre de rétention, et d'éviter la mesure d'éloignement. Ensuite, il y aurait un rééxamen automatique de sa situation » explique Jacques Samé, porte-parole du comité de soutien.
Autant dire qu'en quittant son Cameroun natal, où elle évoluait au plus haut niveau en équipe nationale, après avoir disputé plusieurs coupes d'Afrique, après avoir été plusieurs fois championne du Cameroun, Rigoberte M'Bah n'avait pas imaginé finir en centre de rétention dans le Nord de la France. Mais même son arrivée dans l'hexagone semble avoir été truquée. « Quelqu'un s'est présenté comme président d'un club et l'a faite venir à Brive qui n'est pas un club de D1... Ensuite, le club d'Hénin l'a recrutée. » Et c'est ainsi que la sportive est arrivée au Football club féminin d'Hénin, en 2008. Déjà il y a deux ans, Rigoberte M'Bah avait fait un séjour en centre de rétention, et avait pu sortir grâce à un « couac » administratif. Depuis, son club continuait à la faire jouer partout en France, sans papiers.
« Esclavage »
Dès hier, le comité des Sans-Papiers 59 (CSP59) appelait au rassemblement ce matin, demandant à Jean-Michel Bérard, préfet de région, « la libération et la régularisation » de la jeune femme, 26 ans, qui avait déposé en juin 2010, une demande au titre de « compétences et talents », ainsi qu'une « requête pour une admission exceptionnelle », avec contrat de travail, etc.
Et c'est ici que naît la polémique. Car pour le CSP59 et le comité héninois, depuis 2008 les dirigeants du club n'ont rien fait pour assainir la situation. Pire, le CSP assène : « Tout porte à croire qu'ils l'ont sciemment asservie à la manière d'une bête... » Et d'évoquer des entraînements forcés tandis que la joueuse était blessée, et de parler de racisme et d'esclavagisme...
En cause ? Les conditions de vie de la sportive, hébergée chez un proche du club en métropole lilloise. Le même proche qui lui aurait signé une promesse d'embauche comme femme de ménage. Sauf que Jacques Samé précise qu'« elle dormait dans un endroit précaire, et vivait avec les 50 euros par semaine que ces gens consentaient à lui donner. Et le fait qu'elle reste sans protection sociale, sans revenus, et une fois qu'elle est blessée, elle est abandonnée... Ça, c'est la réalité ! Et depuis son interpellation, elle n'a pas eu de nouvelles de son club... » Un triste tableau qui aurait attiré l'attention du Parquet.
Foutaises selon le président du club, Bernard Dumortier, qui raconte. « Nous avons tout fait pour lui venir en aide, pécunièrement et moralement. Pour monter son dossier, on lui a trouvé un contrat de travail, un logement, j'ai payé du linge, je lui ai donné de l'argent... Nous n'avons rien à nous reprocher ! Les bien-pensants, ils n'ont jamais rien donné... »N'importe quoi donc. Sauf que, de fait, l'un des dirigeants a été entendu par la justice. Et que durant cette audition, il aurait été question d'une première dénonciation « organisée » au terme de laquelle la joueuse se serait retrouvée aux mains de la Police de l'air et des frontières sur un parking de supermarché... Sauf que, encore, depuis 2008, de nombreuses sonnettes d'alarme semblent avoir été tirées (lire ci-dessous). Reste à espérer que le « dossier » ne se referme pas sur une expulsion.